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mercredi 24 avril 2024
 
 
 
Activités Nationales

Les 141 membres du CORCAS (Conseil royal consultatif pour les affaires sahariennes), réunis le 25 mai 2006 à Rabat en Assemblée extraordinaire, ont doté leur Conseil de cinq Commissions dont la «Commission de la défense des droits de l'homme, des libertés publiques et des populations des camps».

Ainsi, un aspect majeur et sensible de la question du Sahara, à savoir le sort de milliers de familles retenues à Tindouf et des centaines d'enfants séquestrés à Cuba, se trouve placé au sommet des priorités du CORCAS.

Certes, Mme Yasmina Baddou, secrétaire d'Etat chargée de la Famille, de l'enfance et des personnes handicapées, a précisé à différentes occasions que «cette question constitue l¹une des priorités du gouvernement marocain». Mais, force est de constater que cette dimension de la question du Sahara n'a pas été suffisamment traitée et mis en avant.

Aujourd'hui, l'ampleur de ce drame humain et humanitaire commence à peine à être connue grâce surtout aux nombreux témoignages d'anciens prisonniers des camps de Tindouf, d'anciens déportés à Cuba, d'instructeurs cubains installés à l'étranger, d'ONG ou de journalistes.

Mais, beaucoup reste à faire pour que ce drame humain trouve une solution rapide et afin que les souffrances de ces milliers d’enfants envoyés à «l’île de la Jeunesse» (anciennement île des Pins) à Cuba cessent.

Ce sont les étapes de ce processus de séquestration/déportation, ses méthodes, ses objectifs et ses conséquences sur les enfants déportés et leurs familles retenues à Tindouf que nous comptons mettre en lumière dans les lignes qui suivent.

Séquestration-déportation
Nous avons tous en mémoire les terribles images des prisonniers de la prison d’abou Ghraib en Irak, des camps de la Serbie en
temps de guerre et des orphelinats roumains de l’époque de Nicolae Ceausescu. Ces images ont mis en lumière des pratiques et des méthodes indignes de notre époque et qui sont autant d’atteintes aux règles les plus élémentaires des Droits de l’homme et de l’enfant, du droit international et du droit international Humanitaire.

Mais, très peu d’images sont parvenues à l’Occident des Camps de Tindouf et surtout de ces établissements spéciaux et ces baraquements spécifiques de «l’île de la Jeunesse» à Cuba où s’entassent durant de longues années, jusqu’à 15 ans, de jeunes marocains arrachés à leur terre et à leurs familles.

Ce transfert abominable vers Cuba, à partir des Camps de Tindouf, de centaines d’enfants s’apparente aux pires méthodes mafieuses : séquestration et rapt d’enfants en bas âge (8-9 ans) et trafic de toutes sortes. Ces enfants et leurs familles sont retenus contre leur gré dans les camps de Tindouf où «la situation humanitaire et sanitaire est catastrophique» selon de Mme Khayat Keltoum, ex responsable des relations internationales des femmes du «polisario» et «où règne un régime de terreur, contraignant et spartiate» précise Mme Marie-Françoise Mirot, présidente du groupe «Petite fille» à l’UNESCO.

Les enfants sont ensuite acheminés par bateau vers Cuba à «l’Ile de la Jeunesse». Des témoins cubains et des ONG locales parlent de l’arrivée de bateaux transportant «un nombre incroyable» d’enfants âgés entre 9 et 15 ans. Une fois sur «l’Ile de la Jeunesse», les enfants sont placés dans des baraquements spécifiques «sous contrôle militaire et d’où il n’y avait aucune possibilité de fuite» (propos de M. Dariel ALARCON, Cubain exilé en France).

La scolarité de ces jeunes enfants arrachés à leur famille, à leur terre et à leur culture se déroule dans des établissements spéciaux, les internats.

C’est dans ces lieux dépourvus de tout confort aux allures spartiates que les jeunes marocains vont grandir et côtoyer durant de longues années de jeunes Angolais ou Namibiens qui subissent le même sort.

Quant au nombre des jeunes marocains des camps de Tindouf déportés à Cuba, les chiffres avancés sont impressionnants.

Un journal américain, le Washington Times, indique que 3.000 enfants sahraouis sont toujours retenus à Cuba et entre 350 et 400 y sont déportés chaque année. Le témoignage d’une jeune marocaine, Mme Fatimatou, qui a vécu 12 ans d¹exil à Cuba dans un internat, confirme ces chiffres: « ils sont d¹abord quelques centaines, puis deviendront au fil des années plusieurs milliers, regroupés garçons et filles, dans des établissements spéciaux».

Mme Marie-Françoise Mirot, présidente du groupe «petite fille» à l’UNESCO, a rédigé un rapport sur ce sujet qui parle de « conditions catastrophiques et de traitement inhumain ». Mme Francine Henrich, ancienne ambassadrice de la Communauté européenne et représentante permanente de l’Alliance internationale des femmes (AIS) auprès de l¹UNESCO, confirme ce témoignage.

Les objectifs de cette déportation ?
Les objectifs de ce transfert de milliers d’enfants vers Cuba sont de différents ordres idéologiques, politiques, culturels,
économiques, sécuritaires :

1) Endoctrinement : ces enfants sont soumis dès leur arrivée à Cuba à une formation idéologique et militaire stricte. Les instructeurs sont sahraouis ou cubains. L’enseignement de base est constitué essentiellement de cours de la langue espagnole et de l’idéologie marxiste-léniniste. La haine du Maroc et de l’Amérique semble la principale trame de cet enseignement. L’instruction militaire comprend le maniement des armes, l’apprentissage de la guérilla des cours sur la fabrication d’engins explosifs. Selon plusieurs ONG humanitaires, de nombreux enfants sont morts victimes de l’explosion de ces engins.

Pire encore, ces enfants font l’objet d’une honteuse et systématique exploitation économique au profit d’entreprises et de mafias cubaines.

2) Exploitation économique : les enfants déportés à Cuba sont intégrés dans le circuit économique cubain en qualité de main-d’oeuvre. Ils sont présents dans plusieurs secteurs de l’économie cubaine en particulier les fabriques de cigares et les champs pour la récolte des fruits et légumes et de la canne à sucre.

- Le tourisme sexuel : de nombreuses prostituées de La Havane sont d¹origine sahraouies précisent certains observateurs internationaux. De jeunes filles sont, précisent-ils, «placées dans des hôtels, des boîtes de nuit ou des maisons particulières où elles sont employées comme domestiques». Ces enfants et ces femmes sont livrés à la pédophilie et à la prostitution au profit de touristes espagnols, allemands, canadiens, américains. Des agences de tourisme se sont même spécialisées dans ce commerce honteux. Selon le rapport de Mme Marie-Françoise Mirot, déjà cité, de nombreux garçons et des filles sont morts contaminés par la syphilis et le sida.

- Chantage et contrôle des camps de Tindouf : l’un des objectifs premiers et stratégiques de cette déportation de jeunes sahraouis marocains vers Cuba, c¹est le contrôle des camps de Tindouf. Car, comme le dénonce plusieurs ONG qui ont visité ces camps «si ces parents tiennent à revoir leurs enfants ils ont intérêt à ne pas désobéir». Car, «en déchirant ainsi les familles, le «Polisario», maintient un contrôle effectif sur les camps», souligne l¹éditorialiste du Washinton Poste qui ajoute que «si jamais un père s’échappe des camps, il est presque certain de ne jamais revoir encore son fils ou sa fille».

- Trafic d'organe : ce trafic criminel a été révélé par la gendarmerie algérienne. Un véritable réseau de trafic d'organes humains en provenance des camps des séquestrés sahraouis près de Tindouf s¹est constitué. Selon des agences de presse (MAP), «quelque 600 patients d¹un hôpital de Tindouf, essentiellement des enfants et des femmes des camps sahraouis, y ont subi des vols d’organes et ont été déclarés morts par les autorités de cet établissement».

Les conséquences
Les enfants séquestrés à Tindouf, envoyés à Cuba, installés dans des baraquements militaires ou dans des établissements
spéciaux, vivent et grandissent dans des conditions insupportables. Sur «l’Ile de la Jeunesse» ils sont élevés à l’écart de tout contact, encadrés par des militaires ou des chefs d’entreprises cubains, pour ceux qui sont employés dans les champs et les entreprises, sans espoir d’échapper à leur condition.

Le dépaysement et l’encadrement idéologique et militaire que les enfants subissent tout le long de leur séjour à Cuba, jusqu’à 15 années d’exil pour certains d’entre eux, les coupent de toute réalité sociale et culturelle (mode de vie, traditions, coutumes locales etc). Les familles restées contre leur volonté dans les camps de Tindouf vivent, pour leur part, un véritable calvaire. Elles sont privées de la présence et de l’amour de leurs enfants dès l’âge de 8/9 ans. Séparation qui dure pour certaines familles jusqu’à 15 ans.

Cette violation flagrante des droits humains et humanitaires de milliers d’enfants marocains sahraouis en bas âge qui dure depuis 30 ans, a suscité et suscite de plus en plus des réactions d’indignation à travers le Monde. Ce sont des ONG Anglos-Saxonnes (Etats-Unis, Canada) ou Européennes (Allemandes, Italiennes, Françaises etc) qui sont en première ligne de ce combat pour la libération de ces centaines d’enfants détenus dans les camps de Tindouf ou déportés à Cuba. Mais beaucoup reste à faire.

Il faut que l'opinion internationale, et en particulier les ONG humanitaires qui militent pour la défense et la promotion des droits de l’homme et de l’enfant assument leurs responsabilités en exerçant les pressions les plus fortes et les plus durables sur les auteurs et les organisateurs de ce trafic et de cette déportation pour qu’enfin cessent le calvaire de ces enfants et les souffrances de leurs familles.

Aujourd’hui, il ne suffit pas de dénoncer ce système tyrannique installé dans le Sud-Ouest Algérien, qui pratique depuis plusieurs décennies le rapt d’enfants et la déportation systématique, qui détourne l'aide internationale à sa guise. Mais, il faut lancer sans tarder une mobilisation générale pour obtenir leur libération inconditionnelle. Les associations des marocains de l’étranger ont un rôle majeur à jouer dans ce combat. Elles ont prouvé à différentes occasions leur efficacité dans la défense des causes nationales.

Leur devoir aujourd’hui est de mettre tout en oeuvre pour faire cesser le calvaire de leurs jeunes frères séquestrés à Tindouf ou déportés à Cuba. Le devoir et la mission première de la nouvelle Commissions du CORCAS: «Commission de la défense des droits de l’homme, des libertés publiques et des populations des camps» consistent avant toute chose à trouver les solutions les plus rapides et les plus complètes pour régler cette question pénible des enfants marocains sahraouis déportés à Cuba ou séquestrés à Tindouf. Car le temps presse.

(Par Mohammed MRAIZIKA, Chercheur en Sciences Sociales et en droit International Humanitaire/ Président d’almohagir)

(Etude publiée dans le quotidien Al-Bayane)

 

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