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jeudi 18 avril 2024
 
 
 
Presse Ecrite

 Le président du Conseil royal consultatif pour les affaires du Sahara (CORCAS), Khalihenna Ould Errachid, a affirmé, dans un entretien accordé à La Gazette du Maroc, que l'autonomie est la solution idéale pour le conflit du Sahara.



Dans un entretien qui nous a été donné à son domicile de Rabat, il a longuement évoqué la réalité, la particularité et la complexité de ce dossier ainsi que les premières actions du CORCAS qu’il préside et qui est appelé à jouer un rôle de tout premier ordre dans les mois qui viennent. Voici le texte intégral de cet entretien.

L
e Conseil de sécurité de l’ONU laisse entendre que la situation de blocage dans le Sahara n’a que trop duré.

La Gazette du Maroc : Commençons d’abord par l’amnistie royale ayant concerné 48 détenus sahraouis suite à une intervention en leur faveur de la part du Conseil royal consultatif pour les affaires du Sahara (CORCAS) que vous présidez. Cela signifie-t-il que le CORCAS a déjà entamé son travail ?

Khalli Henna Ould Errachid : Oui effectivement, et c’est une preuve concrète que notre conseil a déjà commencé à exercer son action et ses prérogatives. Une action efficace et constructive et aussi une action politique à tous les niveaux.

Cette démarche de Sa Majesté le Roi Mohammed VI d’accorder sa grâce au reste des détenus, suite aux derniers événements survenus dans les provinces sahariennes, est la preuve tangible que la politique menée par le Souverain est une politique sérieuse et clairvoyante en vue de mettre en application le contenu de son discours du 25 mars dernier dans la ville de Laâyoune. Une démarche qui vise, avant tout, à créer les conditions d’une réconciliation définitive et irréversible des populations sahraouies là où elles se trouvent et à tourner la page du passé et tous ses aspects négatifs et inaugurer une phase nouvelle.

L’axe principal de cette initiative est le fait que l’autonomie va être édifiée sur des bases solides, fortes et modernes, englobant tous les secteurs, qu’ils soient d’ordre politique, économique ou social, d’une façon qui puisse satisfaire toutes les composantes de la société marocaine et à sa tête la composante sahraouie.

En conséquence, la politique actuelle tend à démontrer que le projet marocain conduit par Sa Majesté le Roi est un projet sérieux et crédible.

LGM : Le dernier rapport de Koffi Annan, en plus du fait qu’il a recommandé la prorogation de la mission de la Minurso au Sahara, a surtout appelé à une solution politique équitable et acceptable par toutes les parties. Cela signifie-t-il que le plan de James Baker a été définitivement abandonné ainsi que l’idée du référendum d’autodétermination ?

K.H.O.R : Effectivement, c’est la première impression qui se dégage du dernier rapport de Koffi Annan soumis au Conseil de sécurité. A travers ce rapport, Koffi Annan confirme que le plan Baker est définitivement enterré. Car c’est un plan qui ne peut être appliqué à un dossier comme celui du Sahara. Je rappelle, à cette occasion, que le projet du référendum d’autodétermination et, surtout, ses étapes portant sur le processus d’identification des populations habilitées à y participer, a épuisé tous les efforts de l’ONU durant plusieurs années. Une procédure fondée sur une identification que l’ONU n’a jamais effectuée nulle part à travers le monde et ce, depuis sa fondation en 1948.

Le référendum n’est donc pas applicable. Pour la simple raison que les tribus sahraouies que l’ONU a recensées ne résident pas seulement au Sahara mais aussi dans les pays voisins dont, notamment, l’Algérie, la Mauritanie et le nord du Mali. Si nous voulons organiser un référendum libre, sincère, démocratique et juste, il faut que l’opération référendaire englobe tous les Sahraouis éparpillés à travers ces pays, ce qui est naturellement impossible. A partir de là, le référendum et plus spécifiquement l’identification est pratiquement impossible. Il ne reste donc que la solution politique négociée qui puisse satisfaire toutes les parties.

LGM : Dans une première réaction, le leader du Polisario a déclaré que le projet marocain d’autonomie constituait un grand préjudice aux Sahraouis, alors que le gouvernement marocain, par le biais de son porte-parole, Nabil Benabdallah, refuse toute négociation avec le Polisario et préfère négocier directement avec la partie algérienne. En tant que président du Conseil consultatif sahraoui, quelle est votre attitude vis-à-vis de ces deux réactions contradictoires ?

K.H.O.R : Le projet d’autonomie ne porte aucun préjudice aux Sahraouis. Au contraire, c’est un projet équitable qui accorde aux populations du Sahara tous leurs droits et dans tous les domaines.
D’abord, il leur rend justice en reconnaissant, sans détour, leur statut au sein de l’Etat marocain en tant que composante historique essentielle de la nation marocaine. En second lieu, l’autonomie ne porte pas préjudice aux Sahraouis au niveau de leur autodétermination. Elle leur accorde des droits indéniables, non seulement économiques et sociaux mais surtout politiques. Autrement dit, ce projet permet aux fils de cette région d’être maîtres de leur destin et de leur terre.

Pour qu’ils puissent gérer eux-mêmes leurs affaires et leurs richesses. Il leur permet aussi de bénéficier de tous les avantages économiques et de conserver leurs coutumes dans le cadre du Royaume du Maroc. Car les habitants du Sahara ont des liens historiques et religieux profonds avec Amir Al Mouminine et Roi du Maroc. Des liens tissés à travers des siècles par leurs pères, grands-pères et ancêtres. On ne peut, quelles que soient les circonstances, abandonner notre attachement à l’allégeance (la Bayâa). Car celle-ci implique également des droits politiques et économiques. Et c’est ce que prévoit et garantit justement ce projet d’autonomie.

Tout naturellement, et pour traduire le projet d’autonomie dans la réalité, nous sommes prêts à entamer des négociations avec le Front Polisario. Ce sont nos frères et ils font partie de notre communauté sahraouie. Malheureusement, des circonstances particulières, motivées en particulier par les effets de la guerre froide et le conflit Est-Ouest d’il y a trente ans puis la situation interne que le Maroc a connue durant une phase donnée de son histoire, ont poussé nos frères du Polisario à adopter cette attitude extrémiste. Mais maintenant, il n’ont plus de raisons de réclamer la scission, ne serait-ce que parce que tous les droits des populations sahraouies seront garantis noir sur blanc par le projet d’autonomie.

En ce qui concerne l’Algérie, ce pays frère, ce pays arabe, musulman et africain qui affirme qu’il n’est pas partie concernée par ce conflit du Sahara, nous disons que nous croyons à cette version, mais nous allons, tout de même, vous demander d’abandonner vos rêves du passé. Je parle avant tout des problèmes de frontières avec le Royaume du Maroc. La plupart de ces différends font maintenant partie du passé.

Nous allons demander à l’Algérie de nous aider à entamer des négociations avec nos frères du Polisario, en vue de rassembler les populations du Sahara et créer les bases d’un processus d’autonomie qui devrait leur permettre de réaliser leurs objectifs. Ce projet permet au Maroc d’étendre sa souveraineté sur le territoire et répond aux revendications des Sahraouis aux plans politique, économique, social et culturel. Il permet aussi à l’Algérie de conserver sa dignité et de trouver une porte de sortie honorable, puisque ce pays a aussi aidé les Sahraouis durant de longues années. Elle aura ainsi la satisfaction d’avoir aidé les Sahraouis à réaliser quelque chose de concret.

Ainsi, le projet d’autonomie est la seule solution possible pour résoudre la question du Sahara. Il n’y a aucune autre option possible, que ce soit par le bais des Nations Unies ou par d’autres puissances.

C’est aussi la base sur laquelle doit s’édifier le grand Maghreb Arabe et pour que la communauté des peuples maghrébins puissent enfin se consacrer à leurs problèmes de développement et aussi pour développer la démocratie, la coopération multilatérale et la protection de l’environnement.

LGM : Vous avez invité le leader du Polisario à accepter le projet d’autonomie. Or, de nombreux hommes politiques marocains réclament son jugement en tant que criminel de guerre comme le souhaitent les détenus marocains du Polisario et aussi des ralliés des camps de Tindouf.

K.H.O.R : Ecoutez, la réconciliation est une donnée essentielle de notre religion musulmane. On ne peut parler de dissensions ou de jugement lorsqu’on va vers la réconciliation. Nous sommes prêts à aider notre frère et parent, Mohamed Abdelaziz, leader du Polisario, à assumer la présidence de l’autorité de l’autonomie et nous sommes déterminés à agir de toutes nos forces pour réaliser cet objectif dans le cadre de la souveraineté marocaine et sous la direction de Sa Majesté le Roi Mohammed VI. C’est la meilleure manière de tourner la page du passé et inaugurer une phase nouvelle.

LGM : Lorsque vous parlez de la possibilité de désigner Mohamed Abdelaziz à la tête de l’autorité de l’autonomie, comment cela se passera-t-il ? À travers un scrutin, une élection en bonne et due forme ou par une nomination directe ?

K.H.O.R : Non, à travers une élection. Par conséquent, nous sommes prêts à le soutenir en vue de prendre la présidence de l’autorité de l’autonomie. Un geste qui va dans le sens de notre désir de concrétiser la réconciliation et d’oublier le passé.

LGM : On a aussi parlé de votre désir de rencontrer le président algérien Abdelaziz Bouteflika. Où en sont les dispositions prises pour concrétiser cette rencontre ?

K.H.O.R : Permettez-moi de souligner de prime abord que nous avons appris que le président Bouteflika subissait des examens médicaux. Nous lui souhaitons un prompt rétablissement pour qu’il retrouve sa santé. Pour ce qui est de la réponse à votre question, j’ai reçu l’accord et l’autorisation de Sa Majesté Mohammed VI pour que l’on puisse rencontrer le président Bouteflika ainsi que les responsables du gouvernement et de l’Etat algérien frère. Nous voudrions, avant tout, lui dire, et directement, que nous sommes d’authentiques Sahraouis et que la majorité des Sahraouis qui vivent sous la souveraineté marocaine considèrent que l’autonomie est la seule solution posssible pour parvenir à la réconciliation.

Cette autonomie nous suffit largement. L’Afrique a tellement de problèmes, de difficultés et de crises. Les petitis pays, généralement bâtis sur des considérations tribales, n’arrivent pas à s’en sortir. Voyons la Somalie, notre frère arabe et africain dont la source des problèmes est l’impossibilité de concilier les tribus en présence. Voyez ce qui se passe au Darfour dans l’ouest soudanais où d’autres tribus continuent de s’entretuer.

On ne peut ériger une petite entité en Etat sur des bases purement tribales au Sahara. Car cela constituera une source permanente de malheurs et de conflits pour tous les pays du Maghreb, pour l’Afrique et même à l’échelle mondiale. Nous sommes à peine à quelques kilomètres de l’Europe de l’ouest, de cet Occident qui s’efforce, sous l’impulsion de l’Union européenne et des USA, de créer les conditions d’une paix mondiale durable. Nous devons, donc, éviter tout ce qui est de nature à conduire à des tensions.

A partir de là, l’autonomie est la solution idéale pour le Sahara. D’abord parce qu’elle satisfait les revendications des citoyens et surtout parce qu’elle peut nous éviter l’instabilité et les situations de ni guerre ni paix. D’autre part, elle contribue à renforcer la fraternité entre les pays et les peuples maghrébins. Car les Sahraouis sont également liés à la Mauritanie et à l’Algérie aux plans humain, familial et géographique.

LGM : Pour quelles raisons le Maroc a reporté la présentation de son projet d’autonomie devant le Conseil de sécurité comme cela était prévu pour la fin du mois d’avril ?

K.H.O.R : Il n’était pas possible de présenter la proposition marocaine au Conseil de sécurité au mois d’avril. Le CORCAS venait à peine d’être nommé et nous n’avions pas encore commencé les consultations avec le palais royal en vue de poser les premiers jalons et les grandes lignes du projet d’autonomie concernant cette région. Lorsque les consultations seront achevées, le Maroc pourra présenter un projet étudié et bien ficelé.

LGM : En attendant, avez-vous déjà commencé à prendre attache avec les tribus sahraouies concernées, aussi bien à l’intérieur du Maroc qu’à l’étranger ?

K.H.O.R : Depuis le 25 mars dernier, dès la mise en place du CORCAS, nous avons commencé à prendre attache avec nos frères sahraouis au Maroc et l’étranger, en vue d’expliquer les grandes lignes de l’initiative Royale. C’est une initiative sans précédent au Maroc et qui va déboucher sur une réconciliation historique.

Nous avons commencé par expliquer la proposition marocaine aux citoyens tant à travers les médias que par le biais de contacts directs. D’après les premières impressions que nous avons dégagées, la majorité des Sahraouis sont satisfaits de cette initiative.

LGM : Une dernière question. En votre qualité de président du CORCAS, comment vous envisagez personnellement la fin de ce conflit, surtout après que Koffi Annan a considéré que cette question du Sahara ne figure pas sur l’agenda des principaux membres du Conseil de sécurité pour de multiples considérations, dans la mesure où plusieurs pays sont soucieux de préserver leurs relations tant avec le Maroc qu’avec l’Algérie ?

K.H.O.R : C’est une analyse qui atteste qu’il n’y a de solution à cette question du Sahara que celle de la réconciliation consensuelle. La guerre n’a donné aucun résultat. Le référendum fondé sur l’identification du corps électoral est impossible à concrétiser. Il ne reste alors que le consensus et l’acceptation par tous du projet d’autonomie, sauf si nous voulons perpétuer ce conflit purement artificiel.

Traduit de l’arabe par Omar El Anouari


Khalli Hanna Ould Errachid : Biographie
Khalli Hanna Ould Errachid est né en novembre 1951 dans la ville de Laâyoune, alors que le territoire du Sahara était encore sous occupation espagnole et au moment où s’engageait la résistance nationale contre le colonialisme franco-espagnol dans le reste des régions du Royaume.
Il poursuivit ses études supérieures à Madrid avant que le Maroc ne décide de lancer la glorieuse Marche Verte en novembre 1975 et qui aboutira à la rétrocession des provinces sahariennes.
Fondateur du parti de l’Union Nationale Sahraouie –espagnole, plus connu sous le sigle du PUNS en 1974-75, il est, avec feu Khatri Ould Sidi Said El Joummani, président de la Jamaâ Sahraouie et membre du Cortès Espagnol, l’un des tout premiers notables du Sahara à venir prêter allégeance à feu le Roi Hassan II et rentrer au pays.

Dans le cadre de la souveraineté marocaine, il a été nommé, entre 1977 et 1995, ministre des Affaires sahariennes dans les différents gouvernements que le Maroc a connus durant cette période.

Il a représenté la ville de Laâyoune au Parlement marocain entre 1977 et 2002. Il a également assumé la fonction de président du Conseil municipal de Laâyoune, et ce depuis 1983. Khalli Hanna Ould Errachid est également considéré parmi les principaux fondateurs du Rassemblement National des Indépendants (RNI), présidé par Ahmed Osmane, parti qu’il a quitté pour fonder le Parti National Démocrate (PND) aux côtés de feu Arsalane El Jadidi ainsi que Abdallah Kadiri, Abdelkader Benslimane, Jalal Essaid, Moussa Saâdi et d’autres anciens députés du RNI.

 

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