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vendredi 19 avril 2024
 
 
 
Presse Ecrite

Khallihenna Ould Errachid, président du Conseil Royal marocain pour le Sahara : « Le conflit du Sahara est étranger à l’Espagne. C’est un problème marocain-marocain»



-Certaines personnes disent que l’Espagne a des remords pour avoir abandonné les Sahraouis…
-Il y a des personnes qui veulent inculper l’Espagne d’avoir abandonné le territoire. Cela est faux. L’Espagne obéit a ce qui a toujours été la chose la plus importante pour elle : maintenir des relations historiquement importantes avec le Maroc, le pays arabe et musulman le plus proche d’elle à tous les niveaux : humain, historique et stratégique.

- La décolonisation espagnole pouvait-elle être faite autrement ?
-Non. L’histoire ne change pas.

-Mais le conflit est toujours présent?
- Le déclenchement du conflit sahraoui tout comme la création du Polisario sont étrangers à l’Espagne et aux Espagnols.

- Que peut gagner l’Espagne de la résolution du conflit du Sahara?
- L'Espagne est le pays le plus proche du Maghreb géographiquement et stratégiquement. Elle a tout à gagner. Le Maghreb est l’unique zone viable du monde arabe et de l’Afrique. Le conflit est entré dans une phase stérile qui ne peut apporter que des choses négatives.

- Dans quel sens?
- C’est un conflit qui est passé par deux périodes: une période de guerre depuis 1976 jusqu'à 1991, avec la fin de la Guerre Froide, et une deuxième qui dure jusqu'à aujourd’hui.

- Mais il y a d’autres causes…. ?
- Oui. Il y a des causes propres à la région: les revendications des Sahraouis au sein du Maroc. Les étudiants de l’université de Rabat en 1972 ont exprimé une revendication réelle. Ils n’étaient pas bien considérés, ils se plaignaient de leur situation économique, et de leur marginalisation politique.

-Pourquoi le conflit n’est pas encore résolu?
-Parce que l’ONU a choisi un mauvais mécanisme: le processus d’autodétermination par le biais d’un referendum basé sur l’identification, qui ne s’est appliqué nulle par ailleurs.

- Il y avait le recensement espagnol…
- Ce recensement correspond aux tribus du Sahara qui vivaient dans cette partie proche de Laâyoun. Mais ces mêmes tribus sont présentes en Mauritanie, en Algérie, au Mali et dans le sud de ce qu’était le Maroc. L’ONU a conclu, donc, qu’il est techniquement impossible de mener à bien le referendum et qu’il fallait trouver d’autres formules.

- Lesquelles?
- Il y en a deux: Que tout le monde reste là où il est, ou l’autonomie qui va profondément modifier l’Etat marocain.

- Quel est votre fondement?
- Admettre que le pouvoir n’émane pas du haut, mais du consentement de la population.

- Et qu’est ce qu’elle peut gérer ?
-Tout ce qui est politique, économique, social et culturel, c’est à dire la personnalité, l’identité, la tradition, toute l’authenticité locale. Absolument tout, sauf les attributs de souveraineté.

- Et le control des richesses naturelles?
-Ce point sera discuté lors de la mise au point du plan en détaille.

- Les partis politiques marocains bénéficient-ils d’un soutien populaire dans le Sahara?
- Le Sahara est depuis toujours une société tribale qui ne correspond pas exactement aux schémas politiques traditionnels, même s’ils  sont représentés dans le CORCAS même.

- Pourquoi la création du Conseil Royal Consultatif?
- Le Roi veut que l’administration marocaine dans sa totalité se réconcilie définitivement avec les Sahraouis. Ce fut elle la coupable de la création du Polisario, puisqu’elle n’a pas pris en compte que nous sommes un composant historique important du Maroc.

-Qui a intérêt à maintenir le « statu quo »?
-Ceux qui ont fait du Sahara une affaire personnelle.

-Que disent les pays voisins?
-L’Algérie dit qu’elle n’est pas impliquée. Mais elle est censée nous aider à résoudre ce problème.

-Qu’est ce qui se passe au Sahara du Sahel?
- Cette région connaît l’émergence d’une zone grise qui manque de loi et d’ordre, avec une augmentation quotidienne de la cadence de l’immigration clandestine et une circulation incontrôlée des armes.

- Est –il possible de fonder un nouvel Etat dans le Sahara?
-La création d’Etats fondés sur le tribalisme a engendré beaucoup de mal exemple en Afrique. La somalie, le génocide rwandais et la tragédie du Darfour sont des exemples négatifs du tribalisme.

- Y a-t-il un risque de la production du terrorisme dans la région?
- Les Sahraouis ne sont pas des terroristes. Mais il est possible que des groupes terroristes, venants d’autres parties, s’implantent dans cette zone.

-Quel rôle peut jouer le Polisario dans l’autonomie?
- Il peut être le parti gouvernant. J’ai demandé à mon frère Mohamed Abdelaziz de diriger l’autonomie.

- Avec quelles conditions?
-Le front Polisario est un mouvement politico-militaire avec une pensée et une doctrine uniques. Il faut qu’il se démocratise.

-Qu’est ce qu’il doit changer?
- Le rejet du dialogue qui s’oppose aux intérêts des Sahraouis. Il ne peut pas continuer à prétendre qu’il est «l’unique représentant des Sahraouis »

- Le Polisario a évoqué son intention d’entamer un dialogue avec l’Algérie…
-Étant donné que Abdelaziz Buteflika est un Chef d’Etat, il doit demander une autorisation au Roi pour pouvoir le rencontrer. J’aimerais bien lui dire que c’est la meilleure solution pour toutes les parties.          

Un politique habile

Khalihenna Ould Errachid est probablement l’homme politique sahraoui le plus habile. Il a été nommé récemment par SM le Roi Mohamed VI président du Conseil Royal Consultatif pour les Affaires Sahariennes. De formation hispanique, il a passé son enfance et adolescence dans les collèges espagnoles. Durant la dernière période de la vie de Franco, il constitua le Parti de l’Union National Sahraoui, une ébauche de mouvement autonomiste au sein de l’Etat espagnole. Lors de la décolonisation, le PUNS n’a pas pu résister contre la poussée des jeunes indépendantistes réunis autour du front Polisario. Khalihenna Ould Errachid s’adapta aux changements et resta dans les territoires occupés par le Maroc.

Dans les années quatre-vingts il fut nommé président du conseil municipal de la ville de Laâyoun, et contribua à la modernisation du  «Sahara marocain», auquel Hassan II dédia 20.000 millions de dirhams (deux milliards d’euros).

A la fin des années quatre-vingt-dix, Khalihenna Ould Errachid essaya, en vain,  de construire un parti autonomiste. Il est considéré comme la personne la plus apte pour faire le pont entre le Maroc et l’Espagne, et pour réconcilier les Sahraouis.               

 

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