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jeudi 2 mai 2024
 
 
 
Presse Ecrite

"L’annonce de la remise du projet d’autonomie élargie du Sahara au Roi, à la fin de la deuxième cession du CORCAS, mardi 5 décembre, en a surpris plus d’un. Jusqu’à la dernière minute, le doute planait sur la tenue même de la session.

LE conseil consultatif royal pour les affaires sahariennes (CORCAS) a fini par achever l’examen du projet d’autonomie au Sahara, au terme de la deuxième partie de sa session extraordinaire. La première partie de la session extraordinaire du CORCAS s’était tenue en mai dernier et avait permis l’élection des présidents de commissions qui n’ont jamais eu le temps de travailler. Le projet a été remis au Roi le soir même de la fin de la session. La tenue de cette session intervient dans une conjoncture difficile marquée par les divergences de point de vue entre Sahraouis, notables traditionnels et nouvelle élite progressiste au Sahara. D’ailleurs, c’est avec une dizaine de membres que les choses sérieuses se sont faites, le projet ayant fait le va et vient entre les messagers du palais et le noyau dur, avant d’être applaudi devant les caméras de télévision, comme l’a voulu Khalihenna, malgré la confrontation dans les coulisses.

Globalement, le résultat est satisfaisant. Même si Khalihenna Ould Errachid n’a rien divulgué lors de la conférence de presse organisée mercredi 6 décembre, à Rabat, pour répondre, en principe, aux questions des journalistes (chose que Ould Errachid fait à merveille, les journalistes espagnols ayant cependant droit à une version autre que la langue de bois avec laquelle il arrose les journalistes marocains).

Dans ses réponses à tout organe de presse, le président du CORCAS glisse les mêmes messages : « la proposition du projet d’autonomie des provinces du sud du Royaume est en conformité avec les dispositions de la légalité internationale, y compris celles de l’autodétermination. La proposition préserve clairement l’ensemble des aspects de la souveraineté marocaine sur le Sahara et garantit tous les droits politiques, sociaux, économiques et culturels des fils du Sahara ». Et puis : « nous avons terminé l’élaboration de la proposition du projet d’autonomie des provinces du Sud que les membres du CORCAS ont approuvée à l’unanimité, après six mois de débats. La mouture finale de la proposition est à présent soumise au Souverain qui en décidera ».

Les grandes lignes du projet d’autonomie
Selon une source proche du dossier, le projet d’autonomie élaboré vise la création d’une entité autonome avec un gouvernement, un parlement et une autorité judiciaire autonomes entre les mains des sahraouis.

Le projet écarte toute perspective d’indépendance. Ce que Khali Henna Ould Errachid a appelé dans sa conference de presse un chemin vers « l’autodétermination via l’autonomie, mais pas une autodétermination qui conduirait à la séparation et à l’indépendance ». Un membre du CORCAS a confié au « Reporter » : « la seule précaution que nous avions lors des débats, c’était comment concilier entre les principes de la légalité internationale et la préservation de l’intégrité territoriale, l’unité nationale et les symboles de souveraineté ». Car le projet se veut une approche pour une solution finale au conflit, une voie pour l’autodétermination qui, avec l’accord de toutes les parties, dépasserait les risques de division qu’engendrerait un referendum.

Grosso modo, l’autonomie proposée satisfait 99% des aspirations des Sahraouis qui ont des tendances séparatistes. Seuls les aspects en relation avec l’intégrité territoriale et la souveraineté ont été limités. Toutes les prérogatives seraient entre les mains des Sahraouis, gouvernement autonome, parlement local, justice et même une autorité chargée de l’arbitrage entre le pouvoir central et le gouvernement autonome. Le projet va loin en donnant aux partis régionaux la possibilité de participer à la vie politique. Le Polisario lui-même en tant que parti politique pourrait se présenter aux élections dans l’espace de l’autonomie.

En ce qui concerne l’aspect constitutionnel, il n’y a pas de contradiction entre le projet d’autonomie et la constitution actuelle, à part quelques lacunes qui peuvent être comblées. Selon une source bien informée, le travail sur une éventuelle révision de la constitution est déjà entamé et un saut qualitatif devrait être enregistré dans la constitution. Selon notre source, l’actuelle constitution du royaume est très centralisée et même si les textes de la décentralisation existent, l’administration territoriale tend toujours vers la centralisation...

Point de divergence
Parmi les points de divergence qui ont été enregistrés lors des débats entre les membres du CORCAS, celui concernant le droit d’être électeur et éligible dans le territoire autonome. Le droit sera-t-il accordé seulement aux Sahraouis ? Ou bien va-t-il l’être à tous ceux qui sont nés et vivent au Sahara depuis 1975.

La majorité des membres était pour étendre le droit d’être électeur et éligible à tous par souci de ne pas créer des citoyens de second degré ou des sans nationalité. Un cheikh de tribu des Oulad Bousbaa a surpris tout le monde en prenant la parole et en défendant le droit de tous à être électeur et éligible dans le prochain territoire autonome. Ce qui a déclenché des applaudissements qui ont anéanti les quelques opposants à cette option, dont une figure de proue du séparatisme qui a rallié le Maroc depuis quelques années.

Selon un membre du CORCAS, la réalité démographique a changé et il est normal de prendre cela en considération. Pour Abdellatif Baira, de la tribu des Oulad Bousbaa, « si en France on donne le droit de nationalité et de vote aux étrangers, pourquoi nous, on ne donnerait pas ce droit à nos frères avec qui nous avons partagé notre vie au quotidien ? Ce sont nos frères et nos compatriotes ». Finalement la formule adoptée a été que tous ceux qui sont nés au Sahara sont aptes à représenter les Sahraouis.

Zone de délimitation du gouvernement autonome
La problématique de la délimitation de la zone de l’autonomie a été bel et bien débattue lors de la session. Elle a été débattue aussi lors de la première session de mai dernier, même si Khali Henna Ould Errachid estime que « cette question ne mérite même pas d’être posée ». Selon une source au sein du CORCAS, cette question a été posée lors de la session parce qu’elle est importante. Elle a été appréhendée suivant deux approches. D’une part, l’approche du droit international qui définit clairement la zone de conflit sur la carte. Celle-ci commence de la région de Tah, c’est-à-dire de la zone qui était sous occupation espagnole jusqu’en 1975 et englobe Sakia Al Hamra et Ouad Eddahab.

D’autre part, il y a l’approche qui veut étendre la zone géographique pour préserver l’identité culturelle et historique de la région, pour qu’i y ait une valeur ajoutée à la région autonome et pour qu’il n’y ait pas une autre poche de revendication identitaire. Surtout que cette région, Guelmine et Assa en l’occurrence, est devenue actuellement la principale zone où se recrutent les sympathisants du Polisario, pour ne pas dire les séparatistes.

Sur ce point, c’est le Roi qui va décider selon les résultats des tractations avec les pays du Conseil de Sécurité. Mais la majorité des membres du CORCAS penche pour ne pas élargir la zone de l’autonomie au delà de la zone concernée par le conflit du Sahara.

Le modèle des îles Canaries ?
Sur le plan du modèle choisi pour l’autonomie, les empreintes du modèle espagnol sont apparentes et surtout le modèle des îles Canaries. Le lobby Sahraoui est très lié aux îles Canaries et a exercé de fortes pressions pour s’inspirer du modèle canarien. Durant cette année, l’Association Sahraouie pour la Défense des Droits de l’Homme (ASADEDH), dirigée par Massoud Ramdan, membre du CORCAS et qui regroupe d’anciens cadres du Polisario qui ont rallié le Maroc, a organisé une série de conférences à Rabat sur le modèle espagnol en autonomie.

L’ASADEDH a invité le père de l’autonomie pratiquée aux îles Canaries, l’ancien Président du gouvernement autonome des îles, Lorenzo Olarte Cullen qui a eu une série de rencontres avec les partis politiques pour vendre le modèle canarien. L’ASADEDH a invité aussi trois autres ex-présidents de gouvernement autonome en Espagne pour débattre du modèle espagnol. Pour Abderrahman Tamek, coordinateur de la commission des affaires étrangères au CORCAS et membre de l’ASADEDH, « les îles Canaries ont toujours eu une relation étroite avec le Sahara.

L’autonomie sous souveraineté marocaine est la seule solution possible pour le problème du Sahara. On ne peut parler ni d’indépendance, ni d’intégration totale à l’Etat central, vu le déchirement entre les familles durant toute la période du conflit ».

L’Espagnol, deuxième langue...
Selon une source proche du Dossier, la deuxième langue de la région autonome au Sahara sera l’espagnol. Un choix qui a été adopté par tout le monde, vu les liens étroits qui existent entre l’archipel canarien et le Sahara depuis le temps de l’occupation espagnole. Sans parler de l’influence du lobby canarien chez le Polisario et au sein même de l’élite sahraouie au Maroc. Ce choix a été dicté aussi par le fait que l’enseignement dans les camps de Lahmada se fait en espagnol qui est la première langue étrangère, ce qui explique l’engouement des ONG espagnoles pour le soutien du Polisario qui joue la carte de la proximité culturelle.

Pas de « vraies propositions » de partis
Pour ce qui est des propositions des partis politiques soumises au Roi depuis la fameuse lettre de Mahomed Moatassim, conseiller du Souverain, invitant les partis à réfléchir sur le dossier de l’autonomie, d’après nos sources, seul un parti que la gauche ne porte pas dans son cœur a fait des propositions concrètes, loin de la langue de bois. Le parti en question - le PJD pour ne pas le nommer - a même invité des experts d’Espagne, de Belgique, d’Allemagne et du Canada pour réfléchir au sujet. Un seul parti a refusé l’invitation : Annahj Addimocrati. Mais il vient d’annoncer qu’il reste ouvert pour oeuvrer à trouver une solution pacifique...

La question des droits de l’Homme
L’un des dossiers épineux au Sahara, c’est celui des exactions, en matière de droits de l’Homme, commises depuis 1975 jusqu’à 1999. Plusieurs dossiers de victimes de la région sont entre les mains du CCDH (conseil consultatif des droits de l’Homme) qui a créé une cellule avec quelques membres du CORCAS pour étudier cette question.

Un projet de création d’une antenne du CCDH au Sahara est en cours d’élaboration. En outre, selon nos sources, le CCDH a été mandaté par la plus haute autorité de l’Etat pour travailler sur un projet consistant à revoir le statut interne du CORCAS et à instaurer une sorte de démocratie interne qui permettra aux membres de participer sans qu’ils n’aient à se plaindre du président qui monopoliserait le pouvoir de décision, d’après les membres du CORCAS. Actuellement, les membres n’ont pratiquement aucun rôle, à part les neuf vice-présidents qui sont presque tous de l’ancien PNUS (parti national unioniste sahraoui) que présidait Khali Henna dans les années soixante-dix au Sahara espagnol.

S’agissant des victimes des exactions, les officiels veulent les considérer comme les autres, dans le Rif ou le Moyen Atlas. Mais ce n’est pas l’avis des militants des droits de l’Homme au Sahara. Pour eux, le nombre des disparus dépasse de loin les chiffres de l’IER. Ce qui pousse Bachir Ammane, ancien détenu de Kelaat Magouna, à dire que « la façon avec laquelle le groupe des détenus sahraouis de magouna a été traité par les organismes officiels des droits de l’Homme est semblable à la façon avec laquelle ils avaient été traités dans la détention secrète ».

Pour cet ancien détenu, la majorité des cas de disparition forcée est originaire du Sahara. Selon des sources bien informées, le président et des membres du Corcas devraient tenir, dans les jours à venir, une séance de travail avec le CCDH (Conseil consultatif des droits de l’Homme) pour ce qui est des aspects relatifs aux droits de l’Homme au Sahara.

Comment est reçu le projet d’autonomie ?
Si le projet d’autonomie est accepté par tous les acteurs de la vie politique au Maroc, qu’en est-il du Polisario ? Selon des sources auxquelles rien n’échappe de ce qui se passe chez le Polisario, ce dernier essaie, depuis l’annonce de la fin de la préparation de la mouture finale, de minimiser les dommages collatéraux que le projet marocain causera au sein même de son état major où deux courants s’affrontent. Sans parler d’une grande partie qui se trouve en Mauritanie et qui prend de plus en plus ses distances avec la direction des séparatistes de Tindouf au sujet de la stratégie de dialogue avec le Maroc.

Au Maroc, selon une source proche du dossier, la stratégie consiste à convaincre d’abord les membres du Conseil de Sécurité et les pays proches de Rabat : l’Espagne la France et les Etats Unis. Sachant que le Polisario mise tout sur le soutien de l’Algérie et de l’Afrique du Sud.

Annahj Addimocrati pour les négociations directes
Annahj Addimocrati a envoyé une lettre aux deux parties, le Maroc et le Polisario, trois jours après la fin de la session du CORCAS et l’annonce de la fin de la proposition sur l’autonomie. Annahj appelle les deux parties à ouvrir un dialogue direct pour trouver une issue au conflit Et « chercher une solution négociée dans le cadre de la légalité internationale ». Pour Annahj, le conflit du Sahara contribue depuis 30 ans à la détérioration de la condition sociale du peuple marocain et est arrivé à un blocage qui menace la stabilité et la prospérité de la région. D’où l’intérêt d’ouvrir un dialogue direct.

Quid du modèle espagnol ?
Pour la majorité de l’élite du Sahara, le modèle espagnol fascine. Il est facilement adaptable au Sahara qui était sous colonisation espagnole et dont la population est très liée avec l’Espagne, pour des raisons historiques et géographiques, vu la proximité avec l’archipel des îles Canaries. Les dirigeants du Polisario ont tous tiré leur soutien des gouvernements autonomes qui sont les premiers bailleurs de fonds du Polisario et aussi les premiers fournisseurs de dons humanitaires. Le système espagnol n’est pas uniforme. Il présente différents niveaux d’autonomie, de l’autonomie très élargie comme celle de la Catalogne et du Pays Basque à des autonomies très limitées comme celles des deux villes occupées, Sebta et Mellilia.

Ferhat Mhanni, porte parole du mouvement pour l’autonomie en Kabylie
« Nous qui revendiquons une autonomie en Kabylie, nous ne pouvons que souscrire à toute solution de raison qui n’implique pas la violence. Nous considérons que c’est un pas positif dans le règlement de la question du Sahara. En même temps, je crois que l’autonomie ne doit pas concerner le Sahara et la Kabylie uniquement, mais toutes les identités à travers le Maghreb. Il y en a plusieurs en Algérie, en Libye et en Mauritanie ».

L’un contre l’autre
C’est la guerre froide entre Houcine Beida, le président de la commission des droits de l’Homme au CORCAS et le président Khalli Henna Ould Errachid, depuis que Houcine Baida a envoyé une lettre où il critique sévèrement la situation des droits de l’Homme dans les villes du Sahara. Houceine Baida qui préside une pseudo-ONG des droits de l’Homme basée en Espagne, a failli faire capoter la commission des droits de l’Homme au CORCAS.

Plusieurs membres se sont retirés de la dite commission lors de son élection accusant Baida de parachuter des gens dans la commission qui n’ont rien à voir avec les droits de l’Homme. La guerre entre les clans Ould Errachid et Baida s’est ravivée pendant les élections du renouvellement de la deuxième Chambre au Sahara et notamment dans la ville de Laâyoune. L’utilisation de l’argent lors des élections du 8 septembre dernier au Sahara, dans l’impunité la plus totale, a poussé quelques membres à demander que l’Etat prenne ses responsabilités au Sahara pour garantir la transparence des élections.

 

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