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vendredi 29 mars 2024
 
 
 
Presse Ecrite

Le Secrétaire général du Conseil royal consultatif des affaires sahariennes (CORCAS), M. Maouelainin Maouelainin Ben Khalihenna a accordé à l’hebdomadaire « TELQUEL » un Interview qui a été publié le 15 avril 2006.

Ci-après le texte intégral de l’interview :

"Telquel : Quelques heures seulement après sa désignation, le Corcas a été décrié par plusieurs Sahraouis parce que non démocratique (tous ses membres sont désignés) et non représentatif (certaines tribus se sentent lésées). Vous attendiez-vous à ce que le démarrage du Conseil déçoive à ce point ?

Maouelainin Maouelainin Ben Khalihenna: Ça ne m'étonne pas que les gens s'intéressent au Conseil. Tout ce brouhaha montre l'importance d'un tel organe. On peut sans prétention parler d'un avant et d'un après 25 mars (NDLR : date de l'installation du Corcas). Au sein du Conseil, il y a un certain équilibre tribal quand même, un patchwork d'élus locaux, de représentants de la société civile, de jeunes, de femmes, etc. Je demande à ce qu'on nous juge sur la base de ce que nous réaliserons. Sinon, tous les conseils royaux sont désignés. Ce sont des gens qui vont travailler avec le roi. C'est quand même lui qui doit les choisir.

T: Que vous a dit le roi, en vous recevant en compagnie de Khalihenna Ould Errachid à Laâyoune ?
MMB: Je ne peux pas divulguer ce que nous a dit le roi sans sa permission. Ceci dit, dans son discours, SM a clairement parlé du futur de cette région et du projet d'autonomie élargie.

T: Agence de développement social, Agence de développement des provinces du sud, instances élues et aujourd'hui Conseil consultatif sahraoui… Pourquoi devrait-on croire que vous ferez mieux que toutes les instances qui existent déjà au Sahara ?
MMB: Parce que le Conseil a une liaison directe avec le roi. Nous ne nous immisçons pas dans la gestion du quotidien, nous ne sommes pas présents dans la réalisation physique des projets. Après 30 ans de stagnation, le roi a fait le choix de l'autonomie. Le Conseil est une étape importante pour l'étude et la production de propositions allant dans ce sens.

Avec le temps, on a l'impression que le Conseil est simplement venu remplir le vide laissé par un projet d'autonomie, tant attendu mais pas encore prêt …
Le projet n'est effectivement pas encore prêt, sinon, il aurait été présenté en public. Le Conseil ne remplit pas de vide mais représente un changement de méthode radical. Le roi a consulté les partis politiques et permet aux habitants locaux, c'est une première, de donner leur avis à travers le Conseil.

T: L'Algérie et le Polisario ont déjà signifié aux Nations unies leur refus dudit projet. Qu'est-ce que ça change dans votre démarche ?
MMB: Ils ont refusé quelque chose qu'ils ne connaissent pas. L'Algérie est un pays frère et le Polisario ne représente pas tous les Sahraouis. Leur refus est conjoncturel. Ce sont nos frères avant tout et notre mission, c'est de les convaincre de l'utilité de l'autonomie. Les responsables du Polisario ont tous des pères qui ont prêté allégeance aux rois du Maroc. Cette allégeance ne peut être rompue que par un âaq (fils maudit).

T: Et ce n'est pas avec Ridat Al Walidine que le Maroc récupérera définitivement le Sahara non plus…
MMB: C'est un élément culturel qui a son importance. Notre mission est de dialoguer avec tous les fils de la zone sud, là où ils se trouvent, pour permettre leur retour au pays.

T: Etes-vous habilités à négocier l'autonomie avec le Polisario ?
MMB: C'est même écrit dans le dahir. Nous devons travailler sur le retour des citoyens du sud du Sahara. Nous devons donc communiquer avec eux et avec le Polisario, dans les camps de Tindouf et partout ailleurs.

T: De quel Polisario parlez-vous ? Vous avez entamé les contacts avec un courant donné ?
MMB: Nous contacterons quiconque doute de la marocanité du Sahara. Nous utiliserons tous les moyens (médias, télévision, etc.) pour toucher les cœurs des citoyens.

T: Estimez-vous que le territoire (le Sahara occidental) est aujourd'hui suffisamment préparé pour l'installation d'une autonomie élargie ?
MMB: Je ne connais pas beaucoup la réalité du terrain, vu que j'exerçais à Larache ces dernières années. Mais le Conseil mettra le temps qu'il faudra pour dégager le terrain et le préparer à l'autonomie. Dans la marche des Etats, quelques années ne signifient pas grand-chose.

T: Serait-ce un retour à la stratégie de la résolution du conflit par la prolongation du statu quo ?
MMB: Nous avons perdu 30 ans. Le Conseil doit réaliser un travail colossal. S'il le réussit en deux années, c'est un bon rythme. Churchill disait à son chauffeur qui faisait de la vitesse : doucement, je suis pressé.

T: Vous confirmez donc que le Maroc ne présentera aucun projet d'autonomie à l'ONU courant Avril…
MMB: SM ne nous a pas encore consultés. Vous savez, on a souvent dit que le Sahara est le premier problème des Marocains alors que l'écrasante majorité ignore tout de ce conflit. Il faudra donc commencer par expliquer les bases du conflit. Aujourd'hui, nous voulons que le problème du Sahara soit vécu par tout le monde, dans la plus grande transparence. Chaque famille marocaine a connu un deuil à cause du Sahara. Chaque famille a donné de son sang et de son pain quotidien à cette région et à cette cause.

T: Vous pariez sur l'existence d'une “majorité unioniste” passive au Sahara contre une minorité indépendantiste active. Comment comptez-vous réveiller la première pour contrer la deuxième ?
MMB: Pour le front unioniste, majoritaire je le confirme, le porte-parole était l'administration. On ne leur a jamais demandé de se manifester. Ce front laissait la gestion des manifestations indépendantistes à l'administration qui a malheureusement failli. Tous ceux qui manifestent ne sont pas forcément indépendantistes. Ce sont souvent des mécontents récupérés par la machine séparatiste. Laâyoune est une grande ville. Aussi grande que Larache et Ksar El Kebir réunis. Elle a donc ses propres problèmes et ses propres manifestations sociales, comme partout ailleurs, sauf qu'ici elles sont récupérées à des fins politiques.

T: Ce qui fait dire que le principal concurrent du Conseil, c'est le mouvement indépendantiste local…
MMB: Vous donnez trop d'importance à une minorité. Les séparatistes de l'intérieur manifestent généralement contre des choses vécues individuellement avec l'administration locale. Pour eux, l'indépendantisme est un refuge, une sanction à l'encontre de l'administration qui les aura humiliés ou maltraités.

T: Les atteintes aux droits de l'homme au Sahara continuent pourtant (jusqu'au jour d'aujourd'hui) à alimenter la machine propagandiste du Polisario. Avez-vous un quelconque pouvoir pour mettre fin à ces atteintes ?
MMB: Nous étudions chaque cas individuellement et rendrons des recommandations au souverain. Au niveau de la communication, nous accusons un retard certain. Alors que la propagande du Polisario fait feu de tout bois pour alimenter des milliers de pages Web, nous négligeons totalement ce qui nous vient de Tindouf. Nous ignorons les exactions commises là-bas. Alors que nous gagnerions à communiquer dessus et à les rendre publiques.

T: Considérez-vous que l'indépendantisme soit de l’ordre de la liberté d'opinion ?
MMB: Militez pour ce que vous voulez mais ne violentez pas les gens, ne détruisez pas les édifices de l'Etat.

T: Imaginons que vous ayez en face de vous un jeune de 19 ans, acquis aux thèses du front, fraîchement sorti de prison et que vous voulez convaincre de la marocanité du Sahara. Que lui diriez-vous ?
MMB: 'imaginons rien puisque j'ai déjà discuté avec des jeunes pareils. Dans un cas sur deux, j'ai constaté qu'une administration locale a, à un moment ou un autre, commis une erreur grave à l'encontre de ce jeune. Mais à aucun moment je n'ai senti une irréversibilité dans le comportement. Ce sont des jeunes qui vivent sous le charme de la propagande. Je leur dis regardez ceux qui sont revenus. Des fondateurs du mouvement comme Ayoub qui faisait peur aux enfants ou l'un des grands idéologues du mouvement comme El Admi.

T: Le jeune vous répondra que ceux-là ont dûment négocié leur retour…
MMB: Et les 7000 revenants alors ? Le problème, c'est qu'on n'a pas pu utiliser tous ces gens pour expliquer aux jeunes la réalité du mouvement qui les fait rêver. Il y a un déficit d'explications, également auprès des Marocains du nord.

T: Joli discours… Comment comptez-vous le concrétiser ?
MMB: Au Sahara, les gens se lassent très vite des discours. Nous avons donc une obligation de résultats. Nous formulons nos recommandations à la plus haute instance de l'Etat, c'est quand même une bonne garantie d'aboutissement.

T: Avez-vous des lignes rouges ?
MMB: Aucune. SM nous a ouvert toutes les portes. Elles ne sont même pas entrebâillées. Nous pouvons discuter de tous les problèmes de la région. Je crois que les membres du Conseil pourront faire des propositions innovantes.

T: Finalement, le Sahara est un problème de pauvreté, d'identité ou de dignité ?
MMB: Economiquement, le Sahara d'aujourd'hui n'a rien à voir avec celui de 1975. C'est une évidence. L'Etat a tout fait, reste à gagner le cœur des gens. Hassan II l'avait dit, il y a plusieurs années de cela : “Nous avons récupéré le territoire, pas encore les cœurs”.

T: Comment le Maroc a-t-il fait pour perdre le cœur d'un jeune né au Maroc dans les années 80 et qui n'a donc connu ni l'invasion militaire, ni les centres secrets de détention, etc. ?
MMB: Je vais vous donner une image. A chaque fois qu'un élève a une mauvaise note à l'école, il va dessiner le drapeau du Polisario sur un coin de son cahier. C'est un signe de mécontentement. Jusque-là, on a oublié de traiter les Sahraouis comme tout le monde, en respectant simplement la culture et les mœurs locales, en laissant le champ libre à la propagande et à l'encadrement provenant de l'est.

T: Vous niez donc l'existence de militants acquis à la cause sahraouie ?
MMB: Non, mais c'est une minorité. L'indépendantisme est une création de l'administration locale qui a si mal géré ce dossier.

T: Vous semblez oublier l'offensive militaire de l'Etat central, les centres d'Agdz, de M’gouna, etc.
MMB: Je ne nie pas mais je considère que cela a été géré par l'IER au niveau national. Même s'il reste des dossiers qui souffrent encore aujourd'hui d'un goût d'inachevé et que nous devons traiter également.


Encadré:
“En 1971, je faisais ma deuxième année de médecine. Dans la même université que Mohamed Abdelaziz. A l'époque, nous avons appris que l'Espagne a commencé à constituer une entité indépendante au Sahara. Un groupe d'une trentaine d'étudiants sahraouis a donc décidé d'utiliser l'UNEM pour sensibiliser le Maroc au danger qui guette son territoire.

Après plusieurs conférences ici et là, et une défection des partis politiques, la gauche de l'époque a été sensible à notre cause. Nous avons donc organisé une première manif à Tan-Tan avec des drapeaux marocains et des banderoles qui disent “Nous sommes les soldats de Hassan II jusqu'à la libération du pays”.

Nous avons été sauvagement matraqués puis torturés par l'administration locale puis libérés grâce à certaines interventions. Deuxième manif et même traitement. Nous avons été envoyés à Agadir où les responsables se sont carrément excusés de nous avoir arrêtés et traités de la sorte. Troisième manif à Tan-Tan, même traitement.

Cette fois, la plupart des jeunes ont disparu dans la nature. Certains (Ouali, Admi, etc.) se sont infiltrés au Sahara et ont créé le Polisario au nord de la Mauritanie. La Libye a récupéré le mouvement et l'a aidé bien avant l'Algérie. El Ouali n'est pas parti pour ne pas revenir. L'administration n'a pas compris notre mouvement. Et finalement, ce sont les maladresses du ministère de l'Intérieur qui ont créé le Polisario. Beaucoup oublient l'histoire de ce conflit. Alors que de l'autre côté, on passe des nuits blanches pour chercher à nuire au Maroc, on se contentait de notre côté de faire le tour du monde et de signer des accords pour la forme”.

-Actualité concernant la question du Sahara occidental -

 

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