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jeudi 18 avril 2024
 
 
 
Presse Ecrite

L'Algérie est appelée à aider à trouver une solution à la question du Sahara en facilitant le dialogue avec les Sahraouis "qui se trouvent sur son territoire", a affirmé le président du Conseil Royal Consultatif des Affaires Sahariennes (CORCAS), M. Khalihenna Ould Errachid, dans une interview diffusé le 4 juillet sur le site Internet belgo-marocain "wafin.be", estimant que l'autonomie "sera bénéfique pour tout le monde".

"Wafin.be: Une présentation du Président du CORCAS ?
Khalihenna Ould Errachid: Je suis né à Laâyoune, où j'ai effectué mes études primaires et secondaires, et j'ai suivi mes études supérieures à l'école des ingénieurs de Madrid. A 23 ans, j'ai fondé le parti d'Union Nationale Sahraouie (le PNOUS), ce parti était destiné à fonder l'état que les espagnols voulaient créer au Sahara, et j'étais destiné pour être le chef de cet état.

Mais, étant donné mon éducation je n'ai pas voulu de cette fonction, et je n'ai pas voulu participer à l'exécution de ce projet, j'ai donc renoncé à cette carrière qui m'était proposée par les espagnols, et je me suis rendu directement chez le défunt roi Hassan II, que Dieu ait son âme. Depuis lors, c'est-à-dire entre mai 1975 et le 16 octobre 1975, au moment où Sa Majesté avait annoncé la Marche Verte, j'étais le proche collaborateur de Sa Majesté Hassan II pour la préparation de la Marche Verte sur le plan politique, diplomatique, stratégique et technique, j'ai participé à l'aboutissement de la Marche Verte et à la victoire finale. J'ai eu l'occasion aussi, pendant cette période, d'entreprendre une série de missions dans le monde, en Amérique, en Europe, en Afrique et en Asie, et j'ai eu le privilège aussi d'être désigné par le roi Hassan II pour défendre l'accord de Madrid au Conseil de Sécurité en novembre 1975.

J'ai passé toute l'année 1976, après la récupération des territoires le 28 février 1976, à l'établissement de l'administration nationale sur le territoire, et début 1977 j'ai eu le privilège d'entrer pour la première fois au gouvernement de l'époque ; et je suis resté au gouvernement jusqu'en 1992, en occupant différents postes. J'étais d'abord chargé des affaires sahraouies, après j'ai été Ministre chargé du développement des provinces sahariennes jusqu'en août 1992. Je suis aussi maire de la ville de Laâyoune depuis 1983, et j'ai occupé la députation de Laâyoune pendant 25 ans, depuis 1977 jusqu'à 2002.

Wafin.be: Avec quel parti ?
Khalihenna Ould Errachid: Divers partis, d'abord en 1977 j'étais l'un des fondateurs du Rassemblement National des Indépendants (RNI), avec Monsieur Ahmed Ousmane ; après il y a eu scission dans ce mouvement en 1980, c'était un groupe énorme avec 200 députés, et on a fondé à l'époque le Parti National Démocrate, dans lequel aussi j'ai participé à sa fondation, j'y suis resté jusqu'au moment où j'ai quitté la vie politique. J'ai eu le privilège en 2000 d'être désigné par Sa Majesté Mohammed VI pour prendre part aux négociations avec Monsieur James Becker, et j'ai aussi participé aux trois rencontres qui ont eu lieu à Londres et à Berlin.

Wafin.be: Après une période où il ne se passait rien, à la surprise générale, il y a eu l'annonce par le roi Mohammed VI de la constitution du Conseil Royal Consultatif pour les Affaires Sahariennes (CORCAS) que vous présidez. Il y a eu certainement des consultations avant l'installation de ce Conseil, qu'en est-il réellement, et qu'elle est la mission du CORCAS ?
Khalihenna Ould Errachid: Je ne vais pas aborder l'avant CORCAS … Le 25 mars, Sa Majesté fonde le CORCAS et le charge d'une mission énorme et honorable, une mission décrite dans le Dahir (Arrêté Royal) qui le constitue, et composée de trois volets : 1- Préserver l'intégrité nationale 2- Aider Sa majesté à préserver l'unité nationale 3- Entreprendre toutes les mesures nécessaires pour le développement économique, social et politique du Sahara. Evidemment, mettre en place le projet de Sa Majesté concernant l'autonomie.

Wafin.be: Nous savons que le CORCAS est composé de 141 personnes, représentant toutes les strates de la population du Sahraouie, cadres, chefs de tribus, jeunes, avec un quota pour les femmes (10 %), pouvez-vous nous décrire sa structure ?
Khalihenna Ould Errachid: Le CORCAS est une Institution Royale, qui dépend directement de Sa Majesté, il est constitué de 141 membres qui représentent la société sahraouie. C'est un organisme qui n'est pas élu, mais nommé. Mais ses membres sont l'élite actuelle du Sahara, c'est les élus, les intellectuels, les notables, la société civile, les femmes, les jeunes, les chioukhs, tout le monde …

C'est une représentation réelle de la société sahraouie telle que c'est fait traditionnellement, c'est par cooptation. Notre mission a débuté le 25 mars 2006 à Laâyoune, et depuis lors nous travaillons d'arrache pieds. Parallèlement à notre travail diplomatique, à notre travail économique et social dans le Sud, nous travaillons pour l'élaboration du projet d'autonomie qui est un projet important.

Nous travaillons pour son élaboration juridique, réglementaire, administrative et c'est un projet qui va révolutionner le Maroc. Notre visite à Bruxelles entre dans le cadre de nos efforts diplomatiques déployés à l'extérieur pour expliquer notre mission, et pour exposer et faire part de notre projet d'autonomie.

Wafin.be: : A l'issue de ce travail de réflexion un travail va être présenté au Roi, avant d'être présenté aux Nations Unis ?
Khalihenna Ould Errachid: La date à laquelle le projet va être présenté aux Nation unies sera fixée par Sa Majesté. La procédure est la suivante : SM le Roi va consulter les partis politiques. Il consultera le CORCAS, qui est entrain de préparer le projet d'autonomie. Sur base des différentes consultations, SM le Roi veillera à élaborer le projet final qui sera présenté à la date fixée.

Wafin.be: Quel est votre timing pour présenter vos conclusions et votre projet d'autonomie ?
Khalihenna Ould Errachid: Octobre 2006.

Wafin.be: Ce n'est pas trop court ?
Khalihenna Ould Errachid: En travaillant dur on y arrivera.

Wafin.be: Nous avons vu qu'au Maroc à chaque fois qu'il y a une crise, on assiste à la création d'un organe dit indépendant ou consultatif, on l'a vu avec l'Instance Equité et Réconciliation (IER), avec le Conseil Consultatif des Droits de l'Homme (CCDH), la commission pour le nouveau Code de la Famille (La Moudawana), on peut multiplier les exemples …. C'est devenu presque une spécialité marocaine pour désamorcer les crises !
Khalihenna Ould Errachid: Ce n'est pas particulier au Maroc, les Occidentaux aussi constituent bon nombre d'entités pour des problèmes spécifiques. Vous avez bien vu par exemple que pour la Constitution Européenne ils ont fait une convention ! Pour des problèmes spécifiques, il faut des solutions spécifiques.

Le problème du Sahara est tellement important que SM le Roi a créé le CORCAS, d'ailleurs c'est le seul Conseil Royal au Maroc. Notre mission à nous ce n'est pas d'être une entité, ce n'est pas d'être un organe administratif, il est consultatif mais ce n'est pas un Parlement, ce n'est pas un conseil exécutif, c'est un outil de SM le Roi. Il nous a chargé de missions diplomatiques, de préparer le projet d'autonomie, et d'entreprendre n'importe toute action y afférent.

Wafin.be: Avant de parler du CORCAS, on aimerait faire un flash back dans l'Histoire du Sahara Occidental. Brièvement, il y a eu trois grandes tendances au départ des espagnols : deux qui étaient pour le rattachement au Maroc, dont faisait partie votre parti en plus de l'Assemblée Générale, présidée à l'époque pour Monsieur El Joummani, puis il y avait la partie séparatiste. Cette dernière partie s'est installée à l'étranger, notamment en Algérie, la tendance qui était et est toujours la plus visible. Pouvez-vous nous en dire plus sur ces éléments historiques ?
Khalihenna Ould Errachid: D'abord, laissez-moi vous faire part d'un point essentiel qu'il faut connaître : le Front Polisario n'a pas été fondé par les gens qui ont vécu sous l'occupation espagnole. Ce sont des marocains d'origine sahraouie qui étudiaient à l'Université Mohamed V de Rabat et qui étaient imprégnés de la situation politique du Maroc à l'époque, ce sont eux qui ont fondé le Polisario. Nous, c'est-à-dire les gens qui ont vécu avec les espagnols, qui ont effectué toute leur scolarité et ont été formé sur les bancs des universités espagnoles, nous avons fait le mouvement inverse.

C'est-à-dire que c'est nous qui avons renoncé à l'instauration d'un Etat par les espagnols, et c'est nous qui avons opté pour l'unité des marocains, dans nos deux variantes, que ce soit le PNOUS qui était le parti moderne, ou l'Assemblée Générale, la " jamaa " qui était constituée de Chefs de Tribus (Chioukhs). Donc, l'ensemble des sahraouis qui vivaient sous l'occupation des espagnols, ont opté pour l'unité. C'était nos étudiants, nos frères, nos cousins qui appartenaient à la région de Tan Tan, de Goulmim, d'Assa, qui appartenaient au Maroc libéré, ce sont ces personnes qui ont fondé le Polisario en 1973.

Wafin.be: Quelles étaient les motivations de la création du Polisario ?
Khalihenna Ould Errachid: C'était la marginalisation de la région à l'époque, c'étaient des revendications tout à fait légitimes à l'époque. Il n'y avait pas de développement, pas de routes, pas d'électricité, pas de téléphone, et c'est normal que de jeunes étudiants aient voulu se révolter.

D'ailleurs, à l'époque c'était à la mode, soit on devenait rebelle comme Che Guevara, soit on devenait hippi comme il était de mise dans les années 70! Ajoutez à cela le panarabisme, le conflit avec l'Algérie, et la situation à l'intérieur même du Maroc qui n'était pas tellement brillante. Tous ces éléments réunis ont enfanté le Polisario, et je dis toujours que le problème du Sahara est un problème maroco-marocain, un problème essentiellement intérieur.

Certes il a pris une dimension internationale, mais à cause du contexte de l'époque : le conflit avec l'Algérie, l'opposition de la Libye à l'époque à notre système monarchique, à cause des multiples conflits inter-arabes, puis surtout à cause de la guerre froide … Le Maroc était dans le bloc Occidental, l'Algérie et la Libye faisaient partie du bloc de l'Est. En somme, tout cela a contribué à l'apparition du Polisario, qui d'ailleurs était un problème annexe à la problématique du Sahara ! Les espagnols ont conclu un accord avec le Maroc, ce dernier n'est pas entré au Sahara par effraction, il n'a pas violé la moindre règle sur le Droit International.

Il a eu recours au Tribunal International de Lahey, ensuite il a négocié avec l'Espagne, il a signé un accord selon les règles de la loi international, dûment ratifié et j'ai eu le privilège de ratifier cet accord au Conseil de Sécurité en novembre 1975. L'accroissement de cette problématique du Polisario est venu après, résultant d'autres causes, il s'est greffé à l'affaire hispano-marocaine. L'affaire hispano-marocaine n'est pas la cause du conflit au Sahara, ni la cause de la guerre qu'on a eue.

Wafin.be: Après à peu près trois décennies de déboires politiques, de guerre et d'accords qui n'ont pas abouti, le Maroc prône la thèse que c'est un problème maroco-marocain auquel on a conféré une dimension internationale, on n'osait pas trop dire cela avant…
Khalihenna Ould Errachid:
C'est normal ! Il est vrai qu'au moment où il y avait la guerre on n'était pas entendu, on appliquait la politique de la guerre. Le Maroc a gagné la guerre d'ailleurs … Lorsqu'il y a eu le cessez-le feu il y a eu un processus suivit par les Nations Unies, le plan de règlement. Il était inscrit dans les faits que ce plan allait échouer, c'est impossible de faire un référendum juste si on ne change pas de frontière ! La population du Sahara dépasse les frontières du Maroc, dépasse les frontières de l'Algérie…

Wafin.be: D'où la problématique du recensement !
Khalihenna Ould Errachid: Effectivement, d'où l'échec de la mission de Monsieur James Becker et de tout le monde. Un référendum est impossible au Sahara, absolument impossible. Ce n'est pas parce que le Maroc ne le veut pas, mais c'est parce que techniquement et politiquement il est impossible de l'amener à terme. D'ailleurs les Nations Unies n'ont jamais mené à terme un référendum de cette espèce, jamais n'a eu lieu un seul référendum basé sur l'identification, c'est la raison de l'échec.

Wafin.be: Alors qu'il était partant pour le référendum, qu'est ce qui a fait changé la position du Maroc ?Khalihenna Ould Errachid: Maintenant le Maroc est suffisamment fort, suffisamment outillé pour pouvoir faire une proposition révolutionnaire ! Le Maroc n'était pas prêt ni administrativement, ni politiquement, ni diplomatiquement, ni économiquement. Le Sahara a modifié le Maroc, et de manière positive.

Wafin.be: Il y a eu quand même une guerre qui a coûté cher en termes de vies humaines, de drames humains et d'énormes coûts financiers, la guerre a laissé beaucoup de séquelles.
Khalihenna Ould Errachid: Pas seulement, c'est triste à dire, mais il y a eu aussi des choses positives. Le Sahara a contribué à l'épanouissement du Maroc, au redéploiement du Maroc dans le monde, à l'intérieur du Maroc aussi, il a contribué à l'unanimité marocaine ; il a contribué à l'apparition du processus démocratique marocain, il a contribué à l'émergence d'une nouvelle société marocaine. Le Sahara n'a pas été négatif pour le Maroc, il était tout à fait positif.

Cette influence du Sahara sur le Maroc est suffisamment puissante qu'elle est actuellement capable de nous inspirer, et d'inspirer Sa Majesté à entreprendre une nouvelle phase, en proposant l'autonomie. L'autonomie est un pari énorme, un défi lancé pas uniquement à nous, mais aussi aux africains, aux arabes…

Wafin.be: Dans quel sens ?
Khalihenna Ould Errachid: Dans le sens où l'on doit gérer nos pays d'une manière correspondant aux vœux de nos populations. C'est ça le défi de l'autonomie, il va modifier profondément notre pays, administrativement, constitutionnellement, démocratiquement, mentalement, économiquement….

Wafin.be: Resituons les événements dans leur chronologie : après l'échec de la mission de M. Becker, on a eu un temps de réflexion de part et d'autre, on a même frôlé la reprise du conflit armé par moments?
Khalihenna Ould Errachid:
Des menaces farfelues !

Wafin.be: Avez-vous pour mission de contacter l'autre partie…Le Polisario ?
Khalihenna Ould Errachid:
Bien sûr, et c'est notre première mission, je ne fais que cela ! Mais sachez que l'autonomie n'est pas adressée seulement au mouvement du Polisario, elle est adressée à l'ensemble des sahraouis. Au-delà du Polisario, je m'adresse à l'ensemble des sahraouis … C'est le projet de chaque sahraoui, il doit le porter lui-même parce qu'il concerne son avenir. Le Polisario ne peut pas mettre une barrière …

Wafin.be: Est-ce qu'il a été contacté ?
Khalihenna Ould Errachid: Bien sûr, nous le contactons tous les jours, nous l'invitons aux négociations. Le Polisario n'est pas un mouvement démocratique, c'est un mouvement qui a peur de dialoguer, hérité du passé, très doctrinal, très dogmatique, il a peur de l'ouverture, de la contradiction. C'est pour cela qu'il ne se manifeste que dans une ambiance complètement centralisée, mais nous allons le pousser par de multiples moyens à s'asseoir sur la table des négociations.

Wafin.be: Quelle est la place de l'Algérie dans tout ce processus ?
Khalihenna Ould Errachid: Tout le monde sait que l'Algérie aide le Polisario, ce n'est un secret pour personne, je n'ai rien entendu personnellement, et à ce jour, de propos venant de sa part concernant le CORCAS, j'appelle l'Algérie à se conformer à ce qu'elle dit partout en affirmant qu'elle n'est pas concernée par l'affaire du Sahara.

Elle estime que cette affaire concerne les sahraouis, le Maroc et les Nations Unis. Nous invitons l'Algérie à nous aider à trouver une solution qui sera bénéfique à tout le mode. Une solution qui va aider l'Algérie à sortir honorablement de cette crise, à faire sortir le Maghreb de l'impasse et de la panne où il se trouve maintenant. Il faut que l'Algérie fasse un geste pour sauver la face, nous ne voulons en aucun cas humilier l'Algérie, on veut qu'elle soit notre voisin de toujours et nous lui demandons de nous aider à entreprendre un dialogue avec nos frères qui se trouvent sur son territoire. Comme tout le monde le sait, les camps des réfugiés se trouvent en totalité sur le territoire algérien …
L'Algérie est un passage nécessaire pour pouvoir dialoguer avec le Polisario, et nous l'invitons à l'encourager à entrer immédiatement en relation avec le CORCAS.

Wafin.be: Cette autonomie sera-t-elle économique, administrative, sur le modèle espagnol ? Une sorte de système fédéral ?
Khalihenna Ould Errachid: D'abord, le système ne sera pas fédéral, ensuite aucun pays n'a une autonomie qui est copiée sur le modèle d'un autre pays, chaque pays à son propre modèle d'autonomie. Nous allons faire un projet d'autonomie marocain, inspiré de modèles qui ont réussi dans le monde. Puisque nous sommes ouverts sur le monde, il est normal que nous nous inspirions de l'Espagne, de l'Italie, de ce qui marche ailleurs, mais nous allons proposer une autonomie qui corresponde aux intérêts et aux spécificités particulières au Royaume du Maroc. Comme vous le devinerez je ne peux rien dévoiler sur ce qui se prépare, mais sachez qu'elle sera une autonomie politique.

Wafin.be: Un dernier mot à l'adresse de la communauté marocaine résidante à l'étranger en générale et en Belgique en particulier ?
Khalihenna Ould Errachid: Notre communauté peut faire beaucoup pour la cause sahraouie, elle est active, et nous l'invitons à poursuivre la défense de notre cause nationale jusqu'à la victoire finale. "

 

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